
LYSE DOUCET (CÔTE D’IVOIRE 1982)
J’étais assise avec un groupe de femmes africaines qui pilaient des ignames. Jour après jour, elles pilaient des ignames. Puis, un jour, j’ai fini par demander : « Vous ne voudriez pas faire quelque chose de différent ? » Elles se sont jetées un regard furtif, puis m’ont regardée, et ont ri, ri encore. « Quelle est cette question ? On ne peut rien faire d’autre. Alors pourquoi la poser? » Ce fut l’une de mes premières leçons en tant qu’aspirante journaliste, celle de comprendre une société selon ses propres termes. Ce ne sont pas mes questions, et encore moins les réponses, qui devraient compter. Ce sont leurs questions qui comptent.
Mon expérience à Carrefour en 1982 a changé le cours de ma vie. Elle a été le catalyseur qui m’a propulsé vers le travail international que j’exerce encore aujourd’hui.
Mon stage s’est déroulé à Adzopé, dans une petite école privée nichée au cœur d’une forêt tropicale luxuriante, à quelques minutes en voiture d’Abidjan, la capitale ivoirienne. C’était mon premier voyage à l’étranger. Je suis encore aujourd’hui reconnaissant d’avoir commencé mon parcours au village. Cela m’a ouvert les portes d’un monde si différent du mien.
Chaque fois que je suis une formation en journalisme, je me souviens de mes débuts dans un village africain, qui m’ont appris que pour vraiment comprendre une société, il faut essayer d’en ressentir la chaleur et la poussière, le rythme de ses journées. La vie dans une école d’Adzopé avec deux autres Carrefouristes était infiniment intéressante, captivante et parfois stimulante !
À la fin de mon stage, j’ai traversé l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Sénégal, où j’ai commencé à travailler comme journaliste indépendant. Mon premier article a été publié en 1983 dans le magazine « Afrique de l’Ouest ». J’ai finalement passé cinq ans en Afrique, et mon expérience à Carrefour durant ces premiers mois a façonné ma compréhension du continent. C’est un honneur de retourner en Afrique pour mon travail ou de rencontrer des Africains à l’étranger.
Il y a deux ans, je suis retourné à Adzopé. J’ai ressenti un sentiment doux-amer de parcourir les chemins que j’avais empruntés il y a si longtemps et de constater le triste tournant que la Côte d’Ivoire avait pris, passant d’un modèle de stabilité à un pays divisé. Même notre représentant bien-aimé sur place, Tete Kpakote, a dû fuir la violence.
Chaque fois que je visite le Canada, je me rappelle que ces cultures que nous découvrons lors de nos stages à Carrefour font désormais partie de notre mosaïque nationale. Elles représentent une richesse et une responsabilité au sein de nos communautés. Plus que jamais, il nous semble essentiel de chercher à comprendre les différences de cultures et d’attitudes. C’est là que Carrefour joue également un rôle.
Je resterai éternellement reconnaissante pour mon expérience à Carrefour, un moment déterminant qui m’a ouvert les yeux sur le monde, à commencer par mes premières rencontres avec les Carrefouristes à Toronto. Ils étaient tellement optimistes et curieux. Je suis restée en contact avec mes compagnons de voyage. Et dans le monde où je vis aujourd’hui, interviewant tout le monde, des paysans aux présidents, j’apprécie mon lien avec la communauté de Carrefour et son engagement pour un monde meilleur.
Lyse Doucet est présentatrice et correspondante pour la radio BBC World Service et la télévision BBC World News. Elle a débuté sa carrière de journaliste après son stage à Carrefour et a été basée à Abidjan pendant cinq ans comme correspondante étrangère pour la BBC. Elle anime souvent des reportages spéciaux dans le monde entier et a fréquemment interviewé des dirigeants mondiaux. Ses reportages lui ont valu de nombreux prix de radiotélévision. Lyse est marraine d’honneur de Carrefour International canadien.