Par Robert Trudel, Carrefouriste au Ghana
Dans ma pratique d’avocat au Québec, je me suis pendant plusieurs années consacré à la défense de victimes de violence familiale. J’ai constaté que les actions judiciaires et l’imposition de peines ne contribuent à la réduction de la violence fondée sur le genre que si elles sont accompagnées d’outils de prévention et de mesures de soutien à l’accès à la justice pour les victimes.
J’observe la même situation aujourd’hui au Ghana dans mon rôle de volontaire outre-mer de Carrefour International. En tant que coordonnateur du programme de surveillance des tribunaux du partenaire local de Carrefour, Women in Law and Development in Africa (WILDAF), j’ai pour mandat de déterminer dans quelle mesure la Loi contre la violence familiale est appliquée au sein du système judiciaire. Malheureusement, elle ne l’est pas. Le désir de changement est toutefois palpable, et la situation évolue.
Les efforts de lutte contre la violence familiale au Ghana sont à bien des égards à leurs balbutiements par rapport au contexte québécois et canadien. Or, la situation ici n’est pas pour autant réglée comme en témoigne le mouvement #Metoo. Nos deux contextes sont différents et ne nécessitent pas nécessairement les mêmes solutions, mais une chose est sûre : les hommes partout dans le monde doivent comprendre que la violence n’est jamais acceptable, que le pouvoir doit être partagé entre les hommes et les femmes et que l’égalité sera bénéfique à tous partout dans le monde.
Dès 1982, alors que j’étais directeur d’une clinique d’aide juridique à Montréal, je faisais partie d’un groupe conscient que la violence familiale n’était nullement prise au sérieux par la police, les procureurs et les juges. Nous avons élaboré un guide d’intervention pour les acteurs du système judiciaire, contribuant ainsi à faire évoluer les choses. Les attitudes sociales autour de la violence familiale ont changé progressivement et les gouvernements ont largement investi dans la prévention et le soutien aux organisations communautaires.
Depuis lors, il y a eu de grandes avancées au Québec et au Canada en matière d’accès à la justice pour les femmes. Pourtant, les femmes sont toujours confrontées à la violence. Les attitudes misogynes et la violence fondée sur le genre persistent.
J’ai travaillé comme volontaire dans huit pays du Sud au fil des 18 dernières années. Au Ghana, la situation des femmes est particulièrement déplorable. D’innombrables Ghanéennes se disent victimes d’au moins une forme de violence familiale, et les normes culturelles discriminatoires font obstacle au plein exercice de leurs droits. La discrimination entrave l’accès à la justice.
Or, le Ghana s’est doté d’une excellente loi contre la violence familiale. Cette loi couvre un large éventail de sujets, de la détermination des peines à un système de refuges pour les victimes. Si elle était appliquée, la loi changerait radicalement la situation. Le droit au Ghana a cependant évolué plus rapidement que les mentalités, et les actes de violence familiale ne font toujours pas l’objet de poursuites. Cela est en partie attribuable au fait qu’il n’y a pas de ressources pour appuyer des mesures qui, selon l’expérience canadienne, sont essentielles pour protéger les victimes.
La situation n’est toutefois pas désespérée. Dans chaque pays où j’ai œuvré en tant que volontaire, j’ai rencontré des gens qui déploient d’inspirants efforts pour faire avancer les choses. Je suis fier de pouvoir contribuer au renforcement des capacités d’organisations locales comme WILDAF dans les pays du Sud, grâce à l’expérience que j’ai acquise au Canada. Selon le véritable esprit de la coopération internationale, les canadiens ont des connaissances à partager et des enseignements à tirer. Par exemple, Carrefour appuie le lancement par WILDAF de clubs garçons pour le changement cet automne. Cette extraordinaire initiative vise à aider les garçons à apprendre à nouer des relations saines avec les filles, et à contrer les normes culturelles néfastes qui privent les filles et les femmes de leurs droits fondamentaux.
Dans ce village global où nous sommes tous témoins de ce qui se passe et unis par une conscience gobale, de nombreux hommes se demandent comment ils peuvent répondre à la violence systémique envers des femmes et contribuer à l’éliminer. La réponse est simple. Nous devons montrer l’exemple.
Mon expérience en tant que volontaire outre-mer a laissé dans mon âme une empreinte indélébile, et il en va probablement de même pour un grand nombre d’entre nous. En tant que volontaires, nous mettons nos compétences, expériences et passions à contribution, dans le but de changer les choses. Je voudrais inviter tous les hommes à prendre conscience du pouvoir qu’ils ont de changer la vie de leurs proches, et de toutes les personnes dans le monde.